My personal webcam on the Salève (depuis le 5 février 2016)
Double vidéoprojection, durée variable
Avec l'aimable autorisation du Téléphérique du Salève

« My personal webcam on the Salève » revisite le genre du paysage en confrontant deux vidéos dont les images proviennent du site internet du téléphérique du Salève, lequel retransmet en direct le panorama diffusé par la webcam installée au sommet du Mont Salève, que j’aperçois par ailleurs depuis ma fenêtre. La première vidéo diffuse en direct les images fixes qui sont rafraîchies toutes les minutes sur le site, avec indication automatique de la date et heure précise en haut à droite, et retransmises en léger différé. Ainsi est-ce toujours un paysage en retard de cinq minutes qui s'affiche à l’écran.
L'autre vidéo consiste en un montage d'images capturées sur le même site internet. La première captation, datée du 5 février 2016 à 11h11, montre le lac Léman et la région alentour couverts de nuages; la seconde deux heures plus tard montre un paysage au ciel dégagé. La collection d’images capturées se poursuit ainsi au fil des jours et des saisons, et alimente chronologiquement cette seconde vidéo, qui d'année en année s'allongera.
En compilant ces images que l'on pourrait qualifier de ready-mades en retard, je capte une partie du flux des images produites par la webcam, qui n'existent qu'un bref instant, avant qu’elles soient remplacées et ne disparaissent à jamais.
La juxtaposition des deux vidéos met en exergue la vaine tentative de saisir l’instant, que ce soit le temps universel, à travers le flux de la webcam, ou la temporalité chronique, intime, correspondant aux moments où je procède aux captures d’écran.
Saisir l'instant est une préoccupation artistique ancienne, portée à son paroxysme par les Impressionnistes, à l'exemple de la série de 1890-91 des Meules de Monet qui étudie un même motif afin de montrer les différents effets de la lumière au gré des saisons et des conditions météorologiques. Précédemment, John Constable avait déjà fait des conditions atmosphériques son sujet de prédilection, notamment avec ses études de nuages de 1821-22, au revers desquelles il inscrivait soigneusement date et heure d'exécution. Constable est aussi un précurseur du paysage peint en plein air, sur le motif. À contrepied, j'étais intéressée de saisir ce paysage doublement disponible (à ma fenêtre et à l'écran) à distance. À une époque où l'on perçoit le monde de plus en plus par l'intermédiaire des écrans, je m'interroge sur la façon dont ces images virtuelles créent des distorsions temporelles et modèlent notre compréhension du monde.